Mesurer notre distance par rapport à Dada
Notre point de départ est double :
1) l'oeuvre de Raymond Roussel, consideré comme un précurseur de Dada
2) la récente transmutation du langage en un marché global régi par Google et al.
Raymond Roussel - En 1912, Marcel Duchamp et Francis Picabia assistent à la pièce de théâtre tirée des Impressions d’Afrique de Raymond Roussel, annonciatrice des futures manifestations Dada. Roussel devient un « maître absolu » pour Duchamp et influencera tour à tour Dada, le Surréalisme, l’OuLiPo ou le Nouveau Roman.
Homophonie - Dans son texte posthume Comment j’ai écrit certains de mes livres, Roussel décrit sa méthode : « Je choisissais deux mots presque semblables (…). Par exemple billard et pillard. Puis j’y ajoutais des mots pareils mais pris dans deux sens différents, et j’obtenais ainsi deux phrases presque identiques. Les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde. ».
Par exemple, «Les lettres du blanc sur les bandes
du vieux billard» et «Les lettres du blanc sur les bandes du
vieux pillard».
Dadamètre - Bien que pré-dadaïste, la méthode de Roussel, jouant avec l’homophonie et l’équivoque, est considérée ici comme emblématique de Dada dans le champ du langage, de par sa capacité à libérer la dimension imaginaire. Tentative de mécanisation de la production langagière, faisant écho à la machine à peindre des Impressions d'Afrique, cette méthode est généralisée dans le cadre du projet Dadamètre et adaptée au contexte du Web 2.0 et du capitalisme sémantique. Alors que le moindre de nos comportements (langage, travail, désir, idéologie...)
est aujourd’hui surveillé, enregistré et comptabilisé dans le cadre d’indices boursiers sur les marchés d’une finance globalisée, il s’agit, en faisant un pas de plus dans la déchéance de l'aura, de construire de nouveaux indices globaux, cette fois dans le domaine de l’art. Le Dadamètre, étalon de la déchéance de l’aura du langage, cherche à mesurer la densité de Dadaïsme
(ou Roussellisme) dans le discours en mouvement perpétuel, tel qu’il est emmagasiné sur le Web. Plus l'homophonie sera grande entre des mots proches sémantiquement, plus cette densité sera élevée.
De Dada à Google - Nous extrayons de façon massive l'information textuelle contenue dans Google, puis nous l'analysons grâce à des techniques de « profiling » parmi les plus sophistiquées, avancées récentes de la théorie des graphes ou réseaux de neurones (bref, les techniques qui sont utilisées aujourd'hui par les moteurs de recherche pour percer le secret de notre intimité à des fins capitalistiques). Nous obtenons ainsi des renseignements sur la structure à grande échelle du langage. Les résultats principaux sont la Dadamap
et le graphe sémantique : R.R.Engine. Si vous souhaitez en savoir plus sur l'élaboration du projet, vous pouvez vous rendre à la section Méthodologie. Vous trouverez également de la documentation ici
Ce projet a été rendu possible en raison de la récente transmutation du langage en un marché global régi par le Web 2.0. Une taylorisation
du discours qui pousse un peu plus loin la tentative de mécanisation du langage initiée par Roussel. Cependant, alors que son oeuvre a déclenché une libération dans le champ artistique, la marchandisation actuelle du langage participe d'un dispositif de post-contrôle dans le cadre d'une économie post-spectaculaire dont
Google
devient un des acteurs principaux. Vous pouvez en savoir plus sur ce contexte actuel en consultant le Google
Adwords Happening sur le capitalisme semantique, ou en lisant mon texte sur la taylorisation
du discours.
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